
À l’occasion de la finale du Winamax Poker Tour à Aix-en-Provence, nous avons eu la chance et l’honneur de rencontrer l’un des pionniers du coaching mental dans le poker de haut niveau : Stéphane Matheu.
Manager emblématique de la Team Pro Winamax, il a largement contribué à professionnaliser l’approche mentale de ce jeu de stratégie, où le mental fait souvent la différence entre un bon joueur et un champion.
Mais ce qui rend son parcours encore plus fascinant, c’est le pont naturel qu’il a su établir entre deux univers en apparence éloignés : le poker et l’esport. Il a notamment travaillé, dès ses débuts, avec Bertrand "ElkY" Grospellier, l’une des premières superstars de l’esport en Corée et figure incontournable des deux mondes. Par la suite, il viendra également en aide pendant plus de six mois à la structure esportive Team Vitality CS.
Stéphane Matheu incarne mieux que quiconque cette génération de coachs à la croisée des disciplines. Dans cet entretien, il revient sur les similitudes entre ces deux univers de compétition, l’importance du mental et les exigences de la haute performance.
Est-ce que tu peux te présenter rapidement et quel est ton rôle dans la team pro Winamax ?
“Stephane Matheu, 51 ans, manager du team pro depuis 2010 (15 ans), mon job est un job de management avec toute la logistique du team : contrat, comptabilité, coordination, planning média, etc. Je suis aussi coach mentale pour ceux qui le souhaitent, je les accompagne donc durant les tournois et généralement, j'interviens en situation de fin de tournoi quand les enjeux sont importants et la pression commence à augmenter. J’aide aussi certains joueurs de façon plus longitudinale, c’est au cas par cas.”
As-tu eu une expérience dans le coaching et/ou le management qui t' ont permis d’intégrer la team pro Winamax ?
“Durant ma première carrière, j'étais joueur de tennis professionnel pendant 9 ans, j’ai arrêté en 2000… J’étais un espoir international en junior, plus tard, j'ai fait une carrière médiocre chez les pros ou j’étais 300ᵉ mondial. J’ai arrêté assez jeune… Par la suite, j'ai repris les études et je suis parti aux États-Unis quand j’avais 27 ans. C’est une longue histoire, mais je me suis retrouvé à Las Vegas à coacher les équipes universitaires pour payer mes études, c’est là que j’ai découvert le poker en rencontrant Gus Hansen qui était une des premières stars du poker, on est devenu pote à l’époque alors que je n'y connaissais rien, c’est rigolo puisque 20 ans plus tard, je l’ai recruté au sein du team pro Winamax.
Je me suis mis au coaching dès que j’ai arrêté de jouer. Je me suis intéressé très vite à la partie mentale beaucoup plus que la partie technique et c’est un aspect que l’on peut transposer à toute la discipline donc je fais du coaching et du management depuis 2005/6… ce n'est pas nouveau." (sourire nostalgique)
À une époque où les joueurs de poker évoluaient le plus souvent en solo, livrés à eux-mêmes dans la gestion de leur carrière et de leur mental, Stéphane Matheu a su percevoir ce que d'autres n'avaient pas encore entrevu. Il a apporté une dimension totalement inédite dans le circuit : un accompagnement global mêlant coaching mental, stratégie de carrière et soutien au quotidien.
Véritable conseiller de l’ombre, il a su se rendre indispensable à des joueurs parfois isolés face à la pression et à l’exigence du très haut niveau. Ce virage, il l’a pris comme un pari, convaincu que la professionnalisation du poker n’en était qu’à ses débuts et l’avenir lui a donné raison.
“Cela s’est avéré, je suis le premier à m’être lancé dans ce truc-là de coach, agent, manager de joueur de poker et puis 20 ans plus tard, mon pari a fonctionné et ce que j’ai fait, ça m’a permis d’être là aujourd’hui.”
C’est passionnant, comme le poker à ses débuts, l’Esport a lui aussi été un pari audacieux, tant pour les joueurs que pour ceux qui les entourent. Dans ces univers en pleine professionnalisation, un besoin s’impose très vite : celui d’un encadrement solide. Staff, managers, coachs... des figures clés qui gravitent autour des joueurs pour les accompagner, les structurer et surtout, ne pas les laisser seuls face à la pression de la compétition. Un enjeu devenu central.
Stéphane Matheu entretient un lien indirect mais significatif avec l’esport à travers son association avec Bertrand "ElkY" Grospellier, une figure emblématique qui a brillé dans les deux domaines. À son apogée en Corée, ElkY était une superstar de Starcraft, remportant notamment les titres de champion du monde 2004 et 2005.
“J’ai deux trois liens avec le gaming et l’esport, car la première personne avec qui j’ai travaillé est ElkY qui était une star de jeux vidéos à l’époque en Corée avec StarCraft, donc on a travaillé en privée pendant un an et demi ça a cartonné, on était les premiers dans cet univers où il y avait tout à construire.”
Est-ce que c’est toi qui t’occupes du recrutement dans la team Winamax et comment tu choisis les joueurs ?“Oui, c'est moi qui gère, après, c'est quand même la direction de Winamax qui approuve ou non, mais effectivement, je suis sur le circuit avec les joueurs depuis 2008. Suite à mon passage avec ElkY, quand Winamax a cherché un manager en 2010, il y avait qu’une seule personne qui faisait ça, c'était moi ! (il sourit) ça tombait très bien et en plus, j'étais français. Donc oui, c'est moi qui recrute les joueurs.
J'ai une vision très sportive du recrutement, je suis dans l’univers de la haute performance depuis que je suis gamin, je m’intéresse de très près à ça, j’étudie ça, c’est le truc qui m’anime donc je vais au-delà du potentiel dans la recherche d’un joueur. Il y a beaucoup de joueurs qui sont très forts techniquement, mais c’est vrai que j’aime bien regarder un peu plus loin… Je suis en recherche d’excellence, donc la partie mindset et mentalité, les ambitions, à quel point ils ont envie de travailler et s’investir pour devenir des champions, c’est comme ça que j’essaye de construire l’équipe.
Au sein du Team, il y a aussi une partie très importante de communication, les joueurs doivent être capables d’être des bons communicants, on veut des profils assez diversifiés au sein de l’équipe pour que les fans puissent s’identifier, donc c’est un mix de tout ça.”
Stéphane Matheu a brièvement partagé son expérience chez Team Vitality, où il a aidé l’équipe CS:GO pendant six mois en 2021. Selon lui, cette période a été une opportunité fascinante de transposer ses méthodes de coaching issues du poker et du sport traditionnel au monde de l’esport. Il a travaillé en étroite collaboration avec le staff pour optimiser la préparation mentale et stratégique des joueurs, en mettant l’accent sur la gestion de la pression et la cohésion d’équipe, des aspects qu’il maîtrise parfaitement grâce à son parcours avec Winamax.
“Il y a 4 ans, j'ai fait une mission avec l’équipe Vitality CS, on les a accompagnés dans la performance et à l’époque ce qui m’avait frappé, c'est que j’avais vraiment l’impression que le gaming et cette équipe était au même stade que les joueurs de poker il y a 15 ans… Il y avait tout à faire, c’était le tout début. Dans le poker depuis 2008 avec ElkY, on était aux bases de la prise de conscience, faire du sport, bien manger et dormir c’était déjà une révélation pour les joueurs. Ce n'en est pas du tout une pour les sportifs, mais voilà, on amenait ça, maintenant, on est sur la v2 avec du mental, des choses beaucoup plus pointues et ils sont tous extrêmement avancés dans la manière avec laquelle ils se préparent. C’était une très bonne expérience dans les locaux du Stade de France.”
Tout comme l’Esport, il y a certaines personnes qui estiment que le poker est du sport, quel est ton avis là-dessus ?
« C’est effectivement la question à un million qu’on m’a posée je ne sais pas combien de fois… mais elle est pertinente.
Pour moi, ce n’est pas un sport au sens athlétique du terme, même s’ils ont besoin d’être endurants. Le Main Event des championnats du monde à Las Vegas, c’est dix jours non-stop de poker consécutif. C’est exténuant. Ce n’est quand même pas sur les capacités athlétiques que la différence se fait, ça peut marginalement être une aide.
Mais je me suis lancé là-dedans car j’ai vu énormément de similitudes avec le sport, sur la partie gestion des émotions, de la compétition, des enjeux, du stress.
Dans un tournoi de poker, il y a cette notion de survie qui est très similaire à celle du tennis. Il y a des principes transversaux à la compétition de haut niveau.
Donc, est-ce que c’est du sport au sens athlétique ? Je ne pense pas. Dans le sens cérébral, c’est clair ! Est-ce que c’est de la compétition ? C’est 100 % sûr. Ces types-là, ce sont des compétiteurs. Ils ont envie de gagner, de prendre de meilleures décisions que l’adversaire, et dans ce sens-là, oui, c’est du sport ! »
Tu évoquais tout à l’heure l’aspect mental, en disant que tu intervenais souvent en fin de tournoi. Comment prépares-tu un joueur à affronter des moments difficiles, notamment le tilt, cette frustration qui surgit après de mauvais coups ? Et quand la fatigue s’en mêle, comment tu les aides à garder le cap ?
“Mon approche du coaching mental est très personnalisée et individuelle. Je ne crois pas qu’il existe un système. Après, il y a des concepts qui sont transverses à tout. Un des premiers et des plus importants quand je coache quelqu’un, c'est de déterminer les objectifs de la personne : pourquoi il joue au poker, quelles sont ses ambitions, motivations, etc...
Ça peut être très différent selon les individus : argent, titre, reconnaissance, gloire…
De la même manière que le joueur ou la joueuse définit ses objectifs poker, on fait ça aussi pour chaque compétition.
Plus la personne est au clair avec ses objectifs, plus elle va être au clair avec ce qu’elle doit faire à l’instant T. Et finalement, après, il y aura besoin de gérer les fluctuations. Le poker, c'est ultra-violent émotionnellement, car il y a la variance qu’on ne peut pas gérer. Il y a donc cette sensation d’injustice qu’on ne peut pas maîtriser, qui n’existe pas vraiment dans le sport. C’est très rare dans le sport de perdre à cause du hasard…
Au poker, les très bons joueurs sont éliminés à 80 % du temps à cause du hasard, car ils ont pris la bonne décision, mais le hasard a joué contre eux. Il y a ce truc-là à gérer, donc c’est un accompagnement individuel avec chacun. Ils sont plus ou moins compétents pour le faire.
Aujourd’hui, le groupe de la Team Pro Winamax, c’est une écurie de Formule 1 : ce sont les meilleurs du monde, donc ils arrivent à bien le faire de manière générale. Parfois, ça devient dur, et c’est là que j’interviens pour aider la personne à se recentrer sur le moment présent et sur sa concentration.”
Aides-tu les joueurs techniquement dans leur préparation et existe-t-il des logiciels d’aide à la performance dans le poker, comme des outils de tracking pour analyser ses propres résultats ainsi que ceux de ses adversaires ?
“Non, je n'aide pas les joueurs techniquement, car ce n’est pas mon domaine de compétence et ça ne l’a jamais été. Même si, évidemment, je travaille avec les meilleurs joueurs du monde, donc mes notions sont correctes, je ne me suis jamais permis d’intervenir techniquement, parce que j’estime que ce sont eux les experts.”
"Tout a commencé avec l’arrivée des solveurs, des programmes informatiques capables de calculer des solutions mathématiques optimales. Ils permettent notamment de connaître la “GTO” (Game Theory Optimal), c’est-à-dire la manière théoriquement parfaite de jouer un coup. Depuis l’introduction de ces outils dans le monde du poker, couplés à la possibilité de s’entraîner en ligne, le niveau de jeu a connu une progression spectaculaire. Aujourd’hui, il existe des outils d’analyse absolument impressionnants. On dispose désormais de solutions théoriques complètes, que les joueurs étudient en détail avant de choisir à quel point ils souhaitent s’en écarter. Le travail technique et stratégique autour du jeu a atteint un niveau hallucinant. Le grand public ne se rend pas compte de la complexité stratégique atteinte par les professionnels : on entend leurs raisonnements, mais on n'a pas la moindre notion du niveau de compétences qu’ils ont.”
Dernière question de cette interview passionnante, de quoi es-tu le plus fier en tant que manager et coach ?
Alors là, franchement, c’est compliqué… Je ne saurais pas te dire. J’estime avoir eu une chance incroyable dans l’enchaînement des événements. J’ai fait des choix payants, mais le fait d’avoir tout lâché pour me consacrer au poker aurait très bien pu ne rien donner… Aujourd’hui, ça fait 15 ans que je fais ça, et c’est une question vraiment difficile. Ce que cette aventure m’a permis, c’est de prolonger l’amour que j’ai pour la compétition, mais par procuration, à travers les joueurs. Ça m’a aussi fait découvrir à quel point j’aime accompagner les gens, les aider à évoluer.
Si on prend l’exemple de Pierre (Calamusa), quand je l’ai recruté en 2016, c’était quelqu’un qui partait un peu dans tous les sens. Il avait un profil de rockstar, pas très structuré. Et voir son évolution, le chemin parcouru... Il est passé d’un mec totalement dispersé, avec une carrière très irrégulière, à quelqu’un de beaucoup plus posé, avec une trajectoire magnifique. C’est ça, le vrai kiff pour moi.
Ce que j’aime, c’est voir l’évolution. Évidemment, les titres et les résultats, c’est important. C’est presque un “problème de riche”, sans vouloir paraître arrogant. Le Team Winamax cumule plus de 120 millions de dollars de gains en live et 90 millions online, donc oui, j’ai une écurie de Formule 1. Ils m’ont clairement trop bien habitué aux résultats.
Mais au-delà de ça, ce qui me touche le plus, c’est de voir un joueur évoluer au fil du temps, trouver sa place dans la vie, clarifier ses objectifs, et s’épanouir en tant que personne. Ça, c’est la plus belle des gratifications.
Les pros du team Winamax 2025
NOM | PSEUDO | GAINS POKER LIVE | |
---|---|---|---|
1 | ![]() |
P14B | 1 675 334 $ |
2 | ![]() |
Kitbul | 11 101 845 $ |
3 | ![]() |
Kool Shen | 1 953 067 $ |
4 | ![]() |
LeVietF0u | 1 735 447 $ |
5 | ![]() |
rLewis | 4 055 321 $ |
6 | ![]() |
Amadi_17 | 52 662 954 $ |
7 | ![]() |
lasagnaaammm | 16 275 439 $ |
8 | ![]() |
LeoMargets | 2 000 846 $ |
9 | ![]() |
Naza114 | 17 754 047 $ |
10 | ![]() |
LaSirenita | 136 699 $ |
11 | ![]() |
ifyourgood | 3 935 924 $ |
12 | ![]() |
The Great Dane | 10 369 330 $ |
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