La crise dans le milieu de la tech n'épargne personne, même les entreprises milliardaires : Riot Games vient d'annoncer de se séparer de plus de 10% de ses effectifs.
La nouvelle est tombée peu après minuit en France. Riot Games, entreprise américaine désormais détenue par le géant chinois Tencent, décide de se séparer de 530 employés, soit 11% de ses salariés.
Malgré un chiffre d'affaire s'élevant à plus d'un milliard et demi de dollars en 2022 (selon les sources), et le succès populaire de ses jeux comme League of Legends, Wild Rift et Valorant, la firme au poing dégraisse et se restructure pour offrir un meilleur avenir à ses jeux.
Dylan Jadeja, PDG de Riot Games, a envoyé un e-mail à tous les employés plus tôt dans la journée. Par souci de transparence, cet e-mail a été publié sur leur site web, accompagné d'un communiqué de la firme, confirmant les licenciements et amenant vers un nouveau futur pour la firme. On vous résume tout ça.
"On a tenté un build early game mais on a pas pu stomp"
Pour faire simple, la stratégie de Riot Games de se diversifier en 2019 a fini par se retourner contre elle. Ayant doublé de taille en cinq ans, Riot espérait pouvoir faire exploser ses revenus entre ses licences phares et ses nouvelles licences. Mais entre les recrutements faramineux pour gérer plusieurs projets simultanément, la pandémie, et les investissements pour pouvoir travailler à la maison, ce sont les coûts qui ont enflé dans des proportions gargantuesques.
Dans une entreprise comme Riot, comptant désormais près de 5 000 employés, la masse salariale peut se compter en plusieurs dizaines de millions de dollars par mois. Et entre les charges, les investissements financiers, les dividendes pour Tencent, ainsi que les coûts de l'esport au niveau mondial... Cela finit par dépasser les revenus, pourtant colossaux, des jeux comme League of Legends, Wild Rift, Valorant ou Teamfight Tactics.
Au point pour Riot d'abord de geler les recrutements, puis de restructurer les projets, avant de passer à l'inévitable plan de sauvegarde de l'emploi (autrement dit, couper dans les effectifs). La majorité des effectifs touchés seraient « en dehors des équipes de développement ».
Malgré la difficile décision, Riot a souhaité faire en sorte d'aider le plus possible les salariés mis sur le carreau : outre les formalités légales (indemnités de licenciement, mutuelle, bonus éventuels de fin d'année...), la firme proposera un accompagnement de six mois à tous les employés allant perdre leur emploi, une aide sur les visas de travail pour ceux travaillant à l'étranger, et un ordinateur portable pour ceux qui n'en auraient pas chez eux.
On a connu nettement pire comme méthodes de licenciement dans la tech, que feu Twitter en soit témoin. Si on peut saluer la transparence de Riot sur cet aspect, il n'empêche que l'industrie continue de se contracter à vitesse grand V : entre 200 000 et 250 000 employés dans la tech ont perdu leur emploi aux États-Unis en 2023, et aucun signe de ralentissement n'est en vue pour 2024.
Quelques studios de développement américains, comme Respawn (Star Wars Jedi, Apex Legends, Titanfall), ou le créateur Jonathan Blow (Braid, The Witness) ont malgré tout annoncé avoir des postes à pourvoir pour les malchanceux de chez Riot.
Plus de mana pour Runeterra, la forge mise à l'arrêt
Dans le communiqué de Riot Games, le premier jeu victime de cette restructuration est Legends of Runeterra. Malgré de fortes ambitions, le jeu de cartes made in Riot Games n'a jamais pu parvenir à trouver un public large et fidèle.
Cela faisait plusieurs années que le jeu survivait grâce au succès des autres jeux de la firme, mais malgré les efforts des développeurs, le public n'a jamais vraiment adhéré. Ainsi, le jeu va être recentré sur son mode PvE « La Voie des Champions », et va très rapidement abandonner toutes les mises à jour liées au PvP.
Autant dire que Legends of Runeterra est un échec pour Riot, qui, sans être un fiasco à la Artifact, n'est pas parvenu à troubler Blizzard ou Wizards of the Coast sur leurs terrains.
L'autre conséquence de cette restructuration est l'arrêt des projets Riot Forge, où Riot agissait plus en tant qu'éditeur et permettait à des studios indépendants de développer des jeux solo axés sur l'univers de League of Legends.
Cela a donné naissance à des projets comme Ruined King, Convergence, Song of Nunu ou The Mageseeker qui ont globalement été bien reçus par la critique. Mais il semblerait que les ventes aient été décevantes (probablement liées à un manque de promotion) et sont allées decrescendo au fil du temps, ce qui a fini par mener à la fin de la division Riot Forge : le dernier jeu du label, Bandle Tale, ira cependant jusqu'au terme de son développement. Le jeu est toujours prévu pour 2024. Ensuite, Riot ne supervisera plus de projet solo : même s'ils disent ne pas fermer la porte à un retour ultérieur, autant dire que cela n'est pas près de revenir.
Par ailleurs, ces licenciements peuvent faire craindre le pire sur le projet de MMO mis en chantier par Riot depuis des années : après le départ de certains membres clés en 2023, il est probable que ce jeu, pas encore officiellement annoncé, puisse faire l'objet de ce qu'on appelle un « classement vertical » - autrement dit, une mise à la poubelle, après plus de quatre ans de développement.
Miser sur les arcanes du succès
Riot va donc se concentrer sur ce qui fait son succès. Le quatuor League of Legends, Wild Rift, Teamfight Tactics et Valorant sera donc central à la nouvelle stratégie de Riot Games : apporter du contenu plus régulièrement, afin d'assurer un suivi sur le plus long terme. Bien évidemment, l'esport reste un fer de lance et une véritable vitrine pour Riot Games, avec des ligues a l'impact mondial : aucune raison de réduire la voilure sur cet aspect, même si cela représente un coût non négligeable. L'esport permet de garder dans les têtes un jeu de près de 15 ans d'âge : League of Legends partage son trône de jeu compétitif de référence avec Counter-Strike, dont le gameplay a très peu changé en près d'un quart de siècle.
Cependant, pas question pour Riot de rester sur ses piliers et de simplement se contenter de les consolider : le développement du « Projet L », le jeu de versus fighting made in Riot, continue toujours son bout de chemin et ne semble pas être affecté par les licenciements récents. Le défi reste de taille et le terrain du jeu de combat 1v1 est tout de même bien occupé avec des tauliers comme Street Fighter, Super Smash Bros ou Tekken.
Si Legends of Runeterra n'a pas pu bousculer le monde des jeux de cartes, Valorant a lui mis un beau coup de poing aux scènes compétitives d'Overwatch et Rainbow Six, et poussé Counter-Strike à s'actualiser une nouvelle fois.
En projets annexes, Riot continuera ses collaborations dans le milieu de la musique : on peut toujours compter sur eux pour pondre des bangers comme leur dernière vidéo de lancement de saison (Still Here).
Et l'année 2024 était également très attendue par les fans avec la sortie en fin d'année de la saison 2 d'Arcane, coproduite avec Netflix et réalisée par les frenchies du studio Fortiche. Ayant révélé des premières images début janvier, on en verra plus dans le courant de l'année : on met une petite pièce sur un trailer à l'occasion du Mid-Season Invitational.